Resté bloquer dans la caverne

Installation in situ à la Friche Lucien.

#restébloquédanslacaverne est une installation in situ qui revisite l’allégorie de la caverne de Platon. La caverne désigne le monde de l’ignorance, milieu originel de l’être humain, en opposition au monde extérieur qui lui représente l’accès à la connaissance. Bercé d’illusions par ses sens et ses préjugés, l’individu vit sous le joug de l’opinion . Pour se rapprocher de la vérité, iel doit chercher à s’élever et ne pas se fier aux ombres projetées sur la caverne, qui sont de fausses représentations du monde réel.

Au fond de la caverne, on aperçoit une faible lueur.
Comme une invitation adressée aux spectateurices à franchir les obstacles et traverser la caverne pour la rejoindre.
Cette exposition veut évoquer l’incessant contrôle exercé par les images sur le corps féminin dans les espaces sociaux aux travers de normes esthétiques.

Dans cet espace sombre jaillit une lueur. Afin de discerner ce qu’elle éclaire, il faut slalomer au travers de formes organiques et minérales: les mains baladeuses supportant des badges téton(s) ponctué par des roches bidimensionnelles. Au fond de la caverne, un projecteur LED de forme circulaire, habituellement utilisé pour la création de selfies est orienté vers velours , une toile qui aborde frontalement le sujet central : la représentation du corps féminin, les injonctions qui lui sont faites, et sa sexualisation.

Les mamelons féminins ont toujours été différenciés de leurs homologues masculins que ce soit dans le domaine privé ou public. Privés de leur droit d’exposition, ceux-ci subissent des injonctions propres à leur genre ou du moins, à celui qui leur est assigné. Cette différence de traitement est mise en évidence par les réseaux sociaux qui ont déclaré le téton féminin « personna non grata », ce dernier y est donc traqué, identifié puis supprimé. En effet, il est visé par des modérations qui ne concernent que lui : un algorithme spécifique lui est entièrement consacré, ce dernier ayant donc la charge d’appliquer les « bonnes mœurs » de notre société. Un trépied lumineux indique aux visiteureuses ce qu’iels doit regarder et potentiellement photographier, afin de participer à la mise en lumière de ce fragment de corps tabou dans un processus de diffusion et de libération. Dans cette mise en scène adoptant les codes du « nude », il reprend les usages en cours dans notre société pour mieux interroger l’appropriation du corps, les carcans qui le contraignent et le statut qu’on lui accorde. À la manière d’un selfie envoyé dans l’intimité ; il évoque une diffusion maîtrisée par lui-même, allant à l’encontre des diktats.

Dans une société de l’image où tout à l’air montrable, où les individus sont incités à tout partager, commenter, et où même l’intime semble relever du domaine public ; le poil féminin reste cependant inacceptable et est rejeté par la majeure partie de l’opinion publique. Alors qu’il s’agit du cœur du sujet, même les publicités d’épilation n’osent pas le montrer. Le poil féminin est de l’ordre du caché, il est associé à l’animalité et à la saleté. Tout cela résulte d’ une volonté de contraindre les corps féminins en les contrôlant par la construction et la diffusion d’image de corps normés, possédant tous des caractéristiques identiques. Le corps désincarné n’est plus qu’un objet de convoitise et d’envie, respectant toujours les normes sociales.

#restébloquédanslacaverne met en lumière la censure sociale du corps féminin. Conservé dans l’ignorance celui-ci est prisonnier de la caverne malgré lui. Montrer ce corps, et diffuser son image permet de lutter contre son emprisonnement. Notre regard a été façonné par les différents canaux de diffusion visuels montrant uniquement des corps normés et policés. Ainsi, représenter d’autres types de corps, ou des parties taboues, sous des angles inhabituels rend possible son émancipation.